Ancien membre du groupe Yeleen, Célestin Mawndoé est de retour au Tchad, son pays natal, pour sortir son nouvel album Au nom de l’art. L’occasion pour ce sculpteur de formation de revenir à ses origines et de former une nouvelle génération d’artistes. Rencontre.
RFI Musique : Vous vous apprêtez à sortir Au nom de l’art, votre deuxième album depuis votre carrière solo. Qu’a-t-il de particulier ?
Célestin Mawndoé : C’est un retour à l’essentiel : la création. Après des années de carrière et de nombreuses tournées, j’avais l’impression de ne plus être en phase avec moi-même. Lorsqu’on est artiste, on veut le succès et l’argent alors que l’essentiel est d’être heureux dans sa création. J’ai ressenti ce besoin d’être en harmonie avec moi-même et de prendre du plaisir artistiquement. A travers cet album, je veux partager mes valeurs, mes émotions et être simplement heureux.
Au nom de l’art a une autre particularité : des enfants composent vos choeurs. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Les enfants sont plus créatifs que les adultes. Ils laissent parler leurs émotions et vivent l’instant présent sans aucun calcul. Musicalement, ils m’ont permis de créer des titres originaux alors que l’industrie nous dicte souvent les formats pour passer le plus à la radio ou sur les chaînes musicales. Je n’avais plus envie de coller à ces standards.
Vous avez d’ailleurs créé une résidence de création avec ces enfants à N’Djamena…
Oui, nous sommes allés dans le village de Gaoui pour nous imprégner des légendes sao. J’ai envie de créer une génération des jeunes Tchadiens fiers de leur culture. On nous a toujours dit que “tout ce qui est beau n’est pas tchadien”. Dans les années 1970, des artistes du Tchad ont été envoyés en République démocratique du Congo pour se former à la rumba. Ce style reste largement écouté dans le sud du pays alors que la musique soudanaise domine le Nord. J’ai envie que ces enfants se sentent libres de créer un art tchadien et surtout qu’ils en soient fiers.
La sculpture est votre première passion. Que vous apporte-t-elle dans votre musique ?
Mon papa était sculpteur, j’ai tout de suite remarqué que cet art met en avant les œuvres et non leurs auteurs. On juge directement la pièce produite : est-elle belle ou non ? Alors qu’en musique, c’est l’artiste qui incarne les chansons et, parfois, tu finis par te prendre pour l’œuvre. Sculpter me permet de reprendre pied, de me recentrer.
En 2003, vous prenez la direction du Burkina Faso pour créer le groupe Yeleen avec Louis Salif Kiékiéta dit Smarty. Pourquoi avoir quitté le groupe en 2011 pour vous lancer en solo ?
Le groupe s’est arrêté au moment où il devait s’arrêter. On n’avait plus grand-chose à donner, ni à nous-mêmes ni au public. Au fil des années, nos convictions et nos valeurs ont pris des chemins différents. Mais je ne regrette pas du tout cette expérience, j’ai d’ailleurs d’autres projets avec Smarty.
A 42 ans, vous vivez toujours entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Pourquoi est-ce important pour vous de revenir au Tchad ?
Musicalement, il y a plein de choses à exploiter au Tchad comme les rythmes. Dans mon nouvel album, je me suis inspiré de nos traditions du Sud, même si ma musique reflète l’ensemble de mes voyages dans le monde. Les langues du Tchad m’inspirent également : je chante en ngambaye comme en français mais aussi en arabe. Dans les textes, il y a beaucoup à dire sur la politique, les traditions ou encore la prison sociale à ciel ouvert dans laquelle nous sommes.
Votre nouvel album a donc des textes engagés. N’est-ce pas plus facile de dénoncer lorsque l’on vit en dehors du Tchad ?
Je ne suis pas un artiste engagé : j’étale des faits, je parle sans juger. Je chante des textes que je peux assumer. Je ne veux pas faire le jeu d’attaquer le pouvoir. Je n’ai pas de prise de position, la politique n’est pas ma tasse de thé.
Mawndoé Au nom de l’art (Productions Takoun) 2020
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